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La biométrie généralisée : comment nos corps deviennent des données

  • Photo du rédacteur: prunearnoul
    prunearnoul
  • 18 juil.
  • 4 min de lecture

De l'identification à la marchandisation, enquête sur un glissement silencieux et dangereux

 


biometrie controle population

Une nouvelle ère du contrôle corporel


Jadis outil de sécurité ponctuelle, la biométrie est aujourd’hui omniprésente. Empreintes digitales pour déverrouiller un téléphone, reconnaissance faciale pour passer les frontières, analyse de la voix ou du rythme cardiaque pour accéder à un compte bancaire : nos corps sont devenus des sésames… et des marchandises.

Mais cette collecte massive de données biologiques ne va pas sans poser de graves questions. Car sous couvert de simplification, de personnalisation ou de sécurité, se profile un monde où chaque battement de cil, chaque variation de température cutanée, chaque battement cardiaque devient traçable, monétisable, et manipulable.

 

1. Qu’est-ce que la biométrie ? Définition et typologie


La biométrie est l’analyse automatique de caractéristiques physiques ou comportementales propres à chaque individu, à des fins d’identification ou d’authentification.


🧬 On distingue :


  • Les données biométriques physiologiques : empreintes digitales, iris, visage, ADN, réseau veineux, morphologie du crâne…

  • les données biométriques comportementales : démarche, voix, frappe clavier, dynamique de la souris, rythme de lecture ou de respiration…


La biométrie repose donc sur l’illusion d’un identifiant "naturel" et infaillible. Mais cette illusion est doublement dangereuse : parce qu’elle donne un faux sentiment de sécurité, et parce qu’elle capture notre identité dans sa dimension la plus intime et irrévocable.

 

2. De l'identification à la surveillance comportementale


Autrefois cantonnée aux systèmes de sécurité des États, la biométrie a glissé dans le domaine civil, puis commercial, à une vitesse fulgurante.


🔍 Exemples concrets :


  • Les téléphones collectent nos empreintes digitales, scans faciaux, reconnaissance vocale.

  • Les systèmes de vidéosurveillance couplés à l’IA permettent une identification en temps réel dans l’espace public, y compris à distance.

  • Les dispositifs portables de santé (bracelets, montres connectées) collectent des constantes vitales en continu.


Et ces données ne servent pas qu’à vous reconnaître. Elles permettent de déduire votre état émotionnel, votre niveau de stress, vos préférences sexuelles, votre réactivité à certaines images publicitaires, voire vos pensées émergentes. On ne parle plus d’identité : on parle de profilage neurobiométrique.

 

3. La marchandisation du corps humain : une économie des données invisibles


La biométrie n’est pas neutre. Elle alimente une industrie opaque et extrêmement lucrative.


💰 Les données biométriques sont :


  • Collectées par des objets du quotidien (smartphones, caméras, montres, véhicules…).

  • Traitées par des IA capables d’analyser, croiser et inférer des comportements.

  • Stockées dans des bases de données souvent extraterritoriales, parfois sans consentement éclairé.

  • Vendues ou échangées à des fins de marketing prédictif, de scoring social ou d’assurance comportementale.


Le plus inquiétant : on ne peut pas "changer" son iris ou son empreinte digitale comme on change un mot de passe. Une fuite de données biométriques est irréversible.

 

4. De la sécurité à la servitude : vers un contrôle algorithmique globalisé


En Chine, le système de scoring social basé sur la reconnaissance faciale a déjà franchi le cap : un mauvais comportement (traverser hors des clous, parler mal en public, acheter trop de jeux vidéo…) entraîne des sanctions automatisées : refus de crédit, interdiction de voyager, dénonciation publique.


L’Europe n’est pas en reste. Des villes expérimentent des systèmes de vidéosurveillance biométrique couplée à l’IA. Des startups développent des applications capables de détecter le mensonge ou la dépression à partir d’une vidéo de votre visage. D'autres évaluent la "fiabilité" d’un employé à partir de ses micro-expressions.


Le glissement est insidieux : de la sécurité vers la normalisation comportementale. Le corps devient interface de contrôle. Et l’identité biométrique, un levier de conformité sociale.

 

5. Une technologie biaisée, discriminante, et éminemment politique



La biométrie n’est pas infaillible. Elle reproduit les biais de ses concepteurs.


  • Les systèmes de reconnaissance faciale sont moins fiables sur les peaux foncées, les femmes, les personnes transgenres.

  • Les algorithmes prédictifs peuvent exclure ou discriminer sur la base de comportements "atypiques".

  • En cas d’erreur d’identification, aucun recours n’est prévu : la machine a toujours raison, même contre l’humain.


Ce n’est pas une simple faille technique. C’est une dérive politique : un corps qui dévie de la norme devient suspect.

 

6. Résister : repenser la souveraineté corporelle à l’ère numérique


Face à cette biométrisation croissante, des voix s’élèvent :


  • Interdire la reconnaissance faciale dans les lieux publics (comme le propose la CNIL).

  • Revenir à un véritable consentement éclairé, réversible et granularisé.

  • Défendre le droit à l’anonymat, à l’erreur, à la non-conformité.

  • Et surtout : reprendre le contrôle sur nos données corporelles, car le corps n’est pas un code barre.


Le véritable enjeu est éthique : voulons-nous d’un monde où nos corps ne nous appartiennent plus ?

 

notre peau est devenue un mot de passe


Dans ce monde de flux, de surveillance invisible et de marchandisation algorithmique, le corps est devenu la clé de voûte du système de contrôle. Et la biométrie, sa porte d’entrée.

Mais ce glissement n’est pas inéluctable. Il est urgent de réouvrir le débat citoyen sur la technologie, de refuser le fatalisme technocratique, et de remettre le vivant au cœur des décisions.



Car ce qui se joue ici n’est pas seulement une affaire de données. C’est une guerre silencieuse pour la souveraineté sur nos corps.

 

 

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elie et mado editions

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